Opinion sur l'artiste

Propos du conservateur du Musée des Beaux-Arts de Nancy

image de Sion Sion 1962
Henri LALEVEE
Un Vosgien de la plus haute vallée sous les chaumes, qui choisit les vallons du Saintois : un montagnard des noires forêts qui descend vers les vergers de Sion
Un enfant amoureux de Gustave Doré qui rencontre la peinture heureuse de Bonnard et de Matisse une dualité consciente et peu à peu dominée grâce aux ressources du métier et au prix d'un travail méthodique; un équilibre enfin trouvé entre des tendances opposées qui deviennent complémentaires ; des contradictions qui débouchent sur une réalité harmonieuse grâce à des choix judicieux et habilement calculés, résultat de 25 années d'efforts soutenus par une volonté sans défaillance : Voilà en quelques mots l'expérience d'Henri Lalevée.
image de Sion Fruits sur une nappe 1962
Henri LALEVEE
image de nature morte Nature morte 1961
Henri LALEVEE
De Bonnard et de Matisse, il a reçu la couleur et la nuance, mais leur épanouissement se heurte à une volonté de structuration formelle. C'est dans les natures mortes, champs d'expérience privilégié de toutes les libertés, que s'ajustent peu à peu ces contraires. Un premier style va s'affirmer très tôt dans la série des paysages du Saintois, où des villages cubistes surgissent de leur couronne de vergers dansants comme d'un buisson ardent, belles compositions équilibrées traitées dans des tons lumineux et transparents. Ses aquarelles, monumentales et moins connues, avaient préparé cette palette claire dont les tons froids traduisent finement une lumière délicate.
village provençal Village provençal 1954
Henri LALEVEE
Compositions rythmiques Paysage rythmique 1972
Henri LALEVEE
L'autre tendance, la plus dure, s'exprime en noir et blanc dans des gravures et des dessins anguleux, car Lalevée ne cesse pas de dessiner. Les spectacles naturels lui apporteront toujours les élèments de progrès dont il a besoin, et parmi ceux-ci, la découverte de la lumière méditerranéenne l'aide à franchir un pas décisif. Dans sa "gloria" cette lumière construit avec aisance les formes et les couleurs. Le peintre se libère d'une analyse géométrique systématique. Un élèment nouveau apparaît dans ses toiles : le rythme. Il resserre peu à peu le champ de sa vision, fixe des fragments de paysages, cherche à surprendre la nature jusque dans le secret de la vie cellulaire et minérale. Cet approfondissement fait jaillir un lyrisme imprévu qu'il développe dans de vastes et chaudement colorées dont l'écho se retrouve dans ses eaux-fortes et ses lithographies.
Grand travailleur, toujours en éveil, sa démarche sincère l'avait conduit, à travers ses propres antagonismes, vers cette unité finale dans laquelle il avait trouvé une nouvelle force. Par une étrange prémonition, il avait lui-même organisé cette exposition rétrospective qui nous conduit pas à pas au cœur de son expérience. Au moment où il nous quitte, en pleine possession de ses moyens, après 25 ans de peinture, Henri Lalevée était un peintre réconcilié avec lui-même.

Simone Guillaume
Conservateur du Musée des Beaux-Arts
de Nancy.